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Comment un outil développé par l’homme il y a 20 ans peut-il avoir autant de pouvoir et d’influence sur chacun d’entre nous ?

Que ce soit à la maison ou au bureau vous avez tous vécu le besoin de se justifier de garder son smartphone sur soi.

En réunion : « c’est pour prendre des notes » ou bien votre ado à la maison : « c’est la fin de ma life, je vais mourir ».

Les manifestations de notre hyper-connexion sont souvent de plus en plus inquiétantes et pesantes dans notre vie quotidienne.

La justification permanente est le signe que quelque chose en nous s’impose à nos dépens.

“A nos dépens” oui, mais par contre nature. En effet ce qui se joue en nous dans la relation avec nos écrans est profondément naturel, d’où mon inquiétude et mon engagement sur cette thématique de santé publique.

Quels sont les moteurs qui nous poussent à ne pas lâcher nos écrans ?

Le plaisir

Imaginez que vous jouiez 3 fois par semaine à un jeu de grattage et que vous êtes certains(es) de gagner précisément 10 euros par semaine sur les 6 dépensés. Quelle est votre réaction d’avoir la certitude de gagner 4 euros chaque semaine ? quelle est votre motivation à continuer de jouer ? C’est tout de suite moins excitant qu’imaginer potentiellement gagner 5000 euros. Depuis plus de 15 ans, les spécialistes du comportement et du design dans la Silicon Valley développent vos applications exactement sur ce principe. Ils répondent subtilement à cette imprédictibilité du gain associée à cette certitude de plaisir.

Sur toutes les applications, les sollicitations vous récompensent et vous promettent un gain aléatoire. Ce procédé stimule votre circuit de la récompense via le neurotransmetteur de la dopamine, dopé par la promesse de gains aléatoires.

Que demander de plus ? Le plaisir est un marqueur fort du développement de notre humanité. Sans plaisir l’Homme ne se reproduit pas. Il est ainsi subtil d’activer ce levier pour nous « rendre fou » (cf Hooked de Nir Eyal).

La Sécurité

« J’ai acheté un smartphone à ma fille à l’entrée en 6ème, on ne sait jamais ce qui peut arriver ». Voilà un schéma classique de notre posture de parent. Pression sociale, crainte que notre enfant soit exclu de sa tribu, besoin d’être rassuré, peurs.

Eh oui, encore une fois les GAFA jouent sur nos émotions et notre besoin impérieux et naturels d’être rassurés.

Que c’est rassurant de savoir notre enfant à la maison après les cours. Garantir la sécurité des utilisateurs induit une dépendance à l’outil et à son contenu. Quoi de mieux que de conduire et d’être guidé par une voix douce, d’être certain(e) de ne pas se perdre ?

Se sentir en sécurité est un besoin fondamental lié à notre survie.

La crainte ultime de l’Homme est la mort. Aussi les GAFA nous proposent de nous éloigner de ces peurs en activant la réassurance permanente et en nous faisant croire que notre survie dépend d’eux. Dès lors comment s’affranchir de leur présence tout en garantissant notre sécurité ?

L’Interaction sociale

La reconnaissance, le besoin d’être aimé sont des quêtes permanentes et ancestrales de notre espèce : Savoir que nous sommes reconnus dans notre humanité par nos semblables et faisant partie de la tribu.

Sans interaction sociale l’homme meurt.

Que faisons-nous chaque jour, chaque minute, chaque seconde avec les médias sociaux ? à compter les likes, les vues, les selfies. Nous sommes dépendants de ce besoin toujours inassouvi tant que nous n’avons pas fait connaissance avec nous-mêmes. Comme je l’explique dans mon dernier article sur « Comment être heureux : mes 13 clés », la quête est intérieure.

Les interactions virtuelles sont la source de comportements déviants pour les plus jeunes et les plus vulnérables : perte de repères identitaires entre vie réelle et virtuelle, dépressions, décrochage scolaire, harcèlement, mal-être, burn-out, intolérance… Suis-je réellement cette personne dans les médias sociaux ? Suis-je réellement reconnu dans ma singularité ? Comment allier besoin d’être authentique et nécessité de me protéger ?

Les rencontres les plus puissantes et les plus belles histoires auront-elles lieu dans le monde virtuel ou réel ?

La quête d’informations

Qu’est-ce qui a poussé l’Homme à quitter sa grotte ? il y trouvait plaisir, interaction sociale et sécurité. C’est sans compter sur un caractère fondateur de l’humanité : la recherche exploratoire, le besoin d’aller au-delà, de découvrir le monde.

Quelle idée d’aller sur Mars ! quête prémonitoire de la survie de l’humanité ? Quelle idée de traverser les océans au risque de perdre la vie ?

Notre nature est d’explorer sans cesse, d’aller toujours plus loin.

Et justement pas besoin d’aller plus loin pour comprendre notre usage informationnel compulsif. Nous voulons tout savoir. C’est ainsi qu’en faisant défiler votre fil d’actualité sur Facebook vous avez l’impression d’y avoir passé 20 minutes alors que réellement il s’est écoulé plus d’une heure.

Les GAFA développent un design applicatif qui favorise l’action du toujours plus d’info, du besoin de savoir plus. Cette quête, quand elle est inassouvie, provoque frustration, intolérance, malaise et peur. Nous ressentons un décalage entre nous et les autres. Nous avons peur de manquer une information…mais au risque de quoi ? et nous voulons être les premiers à savoir…mais à savoir quoi ?

Pour résumer :

Depuis près de 20 ans les GAFA nous imposent des applications développées sur les bases de nos ressorts les plus profonds et de nos besoins biologiques afin de nous rendre dépendants de leurs entreprises et ainsi contrôler chacun d’entre nous par le biais des données.

Les 4 ressorts sur lesquels agissent les GAFA sont selon moi : le Plaisir, la Sécurité, l’Interaction sociale et la quête d’Informations.

Au travers de ces 4 composantes de notre humanité, nous subissons les tourments et les affres de leur design non éthique. A mesure que les robots s’humanisent, nous devenons les automates et les marionnettes de leur ploutocratie bientôt sans pilote.

Nous avons le pouvoir de changer ce monde. Commençons par nous-mêmes …et maintenant.